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Histoire du marketing : Comment dépasser la critique pour créer un avenir responsable ?

Cet article est le transcript et les ressources de l'épisode 29 du podcast Slow Marketing. 🎧 Voici le lien pour écouter l'épisode ! 📮Abonne-toi à la Newsletter pour ne rien louper des prochains épisodes !


“Le marketing peut être un puissant moteur de changement positif, à condition qu'il soit pratiqué avec conscience et intégrité."

Dans ce premier épisode de la saison 3 de Slow Marketing, Florence Touzet Rieu, enseignante-chercheuse à Audencia et experte en marketing et communication responsable, partage sa vision sur l'évolution du marketing vers des pratiques plus éthiques et durables. Plongez dans une discussion éclairée sur les défis et opportunités d'un marketing qui cherche à réconcilier croissance économique et responsabilité sociale.


🔍 Questions clés de l'épisode :

  1. À quel moment le marketing a-t-il basculé vers une stratégie créant des besoins plutôt que d'y répondre ?

  2. Comment le marketing responsable peut-il transformer l'impact du marketing sur la société ?

  3. Qu'est-ce que le marketing implicatif et comment peut-il guider les entreprises vers des offres plus durables ?


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5 actions pour un marketing éthique et responsable en 2024 - Slow Marketing - Anaïs Baumgarten


Les ressources


Le transcript


Le marketing est souvent vu comme un vecteur de consumérisme excessif. Dans cet épisode, nous allons parler de l'impact actuel du marketing sur la société et comment une approche plus responsable peut transformer ce domaine pour le mieux, mais avant ça peux-tu te présenter ?

Je suis Florence Touzet Rieu, enseignante-chercheuse à Audencia, où j'interviens principalement dans les programmes de l'école de communication. Ma spécialité est l'enseignement du marketing et de la communication, avec un focus sur le branding responsable. Je dirige également la chaire Impact positif, qui vise à produire et partager des connaissances autour de la transition vers des business models plus durables. Professionnellement, je suis très engagée dans l'écosystème du marketing et de la communication responsable en France, participant à des initiatives comme "Réussir avec un marketing responsable" et "Responsables by ADETEM" pour promouvoir ces pratiques au sein de la communauté professionnelle. En outre, ma participation au comité de mission d'une agence de communication m'offre une perspective précieuse sur la transformation des entreprises dans le domaine de la communication responsable.


On discutait juste avant de notre expérience à Audencia, car moi-même, j'ai été diplômée d'Audencia il y a neuf ans. À l'époque, la responsabilité était abordée de manière isolée, à travers des cours de RSE, ce qui était déjà révolutionnaire. Mais la responsabilité n'était pas intégrée dans le marketing. Aujourd'hui, tu enseignes ce sujet. Comment vois-tu l'évolution du marketing vers une approche plus responsable, face aux critiques actuelles ?

L'évolution du marketing vers une approche plus responsable est fascinante lorsqu'on la considère dans son contexte historique. Initialement, le marketing a émergé de la révolution industrielle, marquant un tournant où la production excédait la demande, créant ainsi une compétition inédite entre les produits. Cette période a vu le concept de marque prendre son essor, aidé par les progrès dans la distribution, comme l'apparition des grands magasins et du libre-service, ainsi que par le développement des médias permettant la publicité.

Le marketing, dans ses origines, n'était pas intrinsèquement mauvais ou destructeur ; il visait plutôt à rendre les produits accessibles à des prix abordables, contribuant ainsi au confort des classes populaires. Il a joué un rôle clé dans la traversée de crises économiques et dans la reconstruction post-guerre, vu par certains sociologues comme un progrès social.

Cependant, l'essor de la société de consommation dans les années soixante a progressivement éclipsé ces aspects positifs, favorisant la quantité au détriment de la qualité, exploitant les populations et l'environnement, et érodant les savoir-faire locaux. Le marketing, en tant que catalyseur de cette société de consommation, est aujourd'hui critiqué pour son rôle dans le consumérisme excessif. Pourtant, il est important de se rappeler que son but originel n'était pas de promouvoir une consommation irresponsable. Reconnaître cette origine permet de mieux comprendre comment le marketing peut être réorienté vers une pratique plus responsable et durable.


À quel moment penses-tu que le marketing a basculé d'une stratégie visant à répondre à un besoin à une stratégie créant des besoins pour vendre plus, alimentant ainsi la surconsommation ?

Il est difficile de pointer un moment précis, mais le changement d'approche semble s'être accéléré dans les années quatre-vingt-dix, marqué par une quête incessante de toujours plus, toujours moins cher et toujours plus vite. Ce phénomène n'est pas l'œuvre isolée du marketing mais résulte d'un système économique global où le marketing agit comme le bras armé des entreprises, qui l'utilisent pour servir leurs intérêts.

Le marketing est souvent critiqué, mais il convient de rappeler qu'il est mis en œuvre par des décisions d'entreprise dans un contexte économique donné. Cet état d'esprit de surconsommation s'est révélé non seulement délétère mais aussi contreproductif, comme en témoignent les échecs marketing de marques historiques ou populaires, notamment dans le textile, qui se retrouvent en difficulté malgré leur utilisation du marketing.

Un point critique de cette dynamique est l'obsession pour le prix bas, qui, loin d'être une stratégie marketing créatrice de valeur, se révèle à long terme destructrice pour les entreprises et leurs salariés. Cette course au prix le plus bas pose de sérieuses questions éthiques et éloigne du véritable objectif du marketing : créer de la valeur durable. En somme, ce basculement vers la surconsommation et la création artificielle de besoins marque un éloignement des principes originels du marketing, conduisant à repenser son rôle et son impact dans la société contemporaine.


Par rapport à cette contre-productivité dont tu parles aujourd'hui, est-ce que cela ne viendrait pas aussi du fait que les techniques de marketing, auparavant connues uniquement par des professionnels formés, sont désormais accessibles à tous grâce à internet et aux outils d'IA comme GPT ? Les stratégies efficaces il y a quelques années sont aujourd'hui transparentes pour beaucoup, modifiant ainsi la réception des actions marketing.

La situation actuelle s'explique par une accessibilité accrue à la connaissance et aux outils de marketing, ainsi que par une prolifération des données et des systèmes automatisés. Aujourd'hui, nous faisons face à une sorte de perte de contrôle sur l'ensemble du système marketing, qui ne fonctionne plus dans un cadre isolé mais interagit avec le public, les consommateurs, les législateurs, et dépasse les frontières nationales, rendant la régulation difficile.

Cette nouvelle réalité modifie profondément la dynamique entre les entreprises et les consommateurs. Les individus, en tant que consommateurs de produits, services, ou contenus, sont prêts à échanger leurs données personnelles contre un confort immédiat, souvent sans pleinement comprendre où vont ces données ou comment elles seront utilisées. Cette transaction implicite, jadis basée sur le confort matériel, concerne aujourd'hui l'accès à des contenus numériques à la demande.

Les individus, en tant que consommateurs de produits, services, ou contenus, sont prêts à échanger leurs données personnelles contre un confort immédiat, souvent sans pleinement comprendre où vont ces données ou comment elles seront utilisées.

Il y a un besoin urgent de prise de conscience collective sur les implications de cette évolution, notamment concernant la diffusion de ces pratiques vers les plus jeunes. Les enfants et adolescents naviguent dans cet univers numérique, contribuant eux aussi à la circulation des données, sans nécessairement saisir les risques et les potentialités associées.

En résumé, le marketing d'aujourd'hui nécessite une réflexion approfondie sur ses méthodes et ses impacts, tenant compte de l'évolution des attentes des consommateurs et du cadre réglementaire global.


Face au défi actuel, selon toi quelle est la responsabilité éthique des marketeurs ?

Face au défi actuel du marketing et de son impact sur la société, la responsabilité éthique des marketeurs est plus cruciale que jamais. Il y a une dizaine d'années, j'ai rencontré de nombreux professionnels du marketing qui, tout en partageant des valeurs éthiques dans leur vie personnelle, se sentaient contraints par les exigences de leur profession de continuer comme avant. Ce qui a changé aujourd'hui, c'est une prise de conscience généralisée des impacts de nos actions, non seulement au sein des individus mais aussi à l'échelle des entreprises.

La responsabilité sociale des entreprises (RSE) a joué un rôle significatif dans cette évolution, incitant les entreprises à mesurer et à prendre conscience de leur impact social et environnemental. Cela a ouvert la voie à une remise en question de la responsabilité non seulement de l'entreprise dans son ensemble mais aussi des départements de marketing et de communication en particulier.

On assiste désormais à une multiplication des expérimentations, qu'il s'agisse d'initiatives d'économie circulaire, de ralentissement de la production, ou de gestion des déchets, entre autres. Ces changements sont parfois accélérés par des contraintes légales, forçant même les entreprises réticentes à s'adapter. Les professionnels du marketing sont donc aujourd'hui emportés par un mouvement d'évolution vers de nouveaux modèles économiques et de compétences.

Les futurs marketeurs, actuellement en formation, seront préparés à naviguer ces nouveaux modèles économiques. Il est devenu évident que le marketing ne fonctionne pas en isolement mais opère au sein d'une entreprise, d'un secteur, influencé par le contexte économique global et interactif avec le public. Ce dernier doit également être prêt à accepter certains compromis, qu'il s'agisse de prix, de temps, ou d'un moindre confort immédiat, pour réduire le gaspillage des ressources.

Ainsi, la responsabilité éthique des marketeurs aujourd'hui réside dans leur capacité à s'engager activement dans ces débats et transformations. Ils ont un rôle passionnant à jouer, à condition d'investir dans une réflexion profonde sur les pratiques responsables et durables. Le marketing peut être un puissant moteur de changement positif, à condition qu'il soit pratiqué avec conscience et intégrité.

Le marketing peut être un puissant moteur de changement positif, à condition qu'il soit pratiqué avec conscience et intégrité.

Personnellement, je trouve que nous vivons une période particulièrement intéressante. Effectivement, le marketing, intrinsèquement lié à de nombreuses fonctions stratégiques de l'entreprise, peut influencer significativement les décisions concernant ce qui est mis sur le marché et la manière dont cela est communiqué aux consommateurs. Cependant, je ressens parfois que ceux d'entre nous qui cherchent à opérer différemment restent en minorité. J'ai récemment vu un webinaire sur l'automatisation en marketing et les tunnels de vente, promouvant une logique de croissance incessante. Cela me met mal à l'aise. Comment vois-tu cette tension entre la poursuite de la croissance à tout prix et le désir de pratiques marketing plus responsables ?

Il est vrai que cette tension est palpable, et il y a des moments où la fatigue s'installe. On observe des avancées, des expérimentations prometteuses, puis soudainement, des géants comme Amazon semblent tout balayer avec leurs livraisons massives et leur efficacité implacable, générant par la même occasion une quantité non négligeable de déchets et de colis perdus. C'est désarmant.

L'introduction de l'intelligence artificielle dans le marketing suscite également des inquiétudes. Lors d'un séminaire sur l'IA dans les agences de communication, j'ai été frappée par certains discours mettant en avant l'efficacité et la réduction des coûts, accentuant cette course à la production et à la croissance sans fin. Cela soulève la question : à quel moment s'arrêtera-t-on de tourner comme des hamsters dans une roue ?

Cela soulève la question : à quel moment s'arrêtera-t-on de tourner comme des hamsters dans une roue ?

Néanmoins, certains adoptent une approche plus réfléchie, cherchant à améliorer la qualité de leur travail ou à remettre en question leurs méthodes habituelles. Cela montre qu'il est possible d'adopter une posture différente, même si cela exige de nous un effort constant d'auto-contrôle et de réflexion. La nature humaine tend vers la facilité et l'expansion, mais il est crucial que nous nous posions les bonnes questions et que nous cherchions à équilibrer nos aspirations à la croissance avec une approche plus responsable et durable du marketing.


Dans ton livre, tu abordes le concept de marketing implicatif comme une alternative au marketing traditionnel. Peux-tu nous en dire plus ?

Mon livre est né d'une dissonance cognitive entre mes valeurs personnelles et les pratiques traditionnelles du marketing. Face à cette tension, j'ai envisagé deux options : changer radicalement de vie ou interroger et réinventer la discipline du marketing. J'ai choisi la seconde voie, menant à la conceptualisation du marketing implicatif. Ce concept repose sur l'idée d'utiliser les compétences clés du marketing – écouter, adapter, influencer – au service d'objectifs durables et de réconciliation des entreprises avec leurs publics. L'objectif est de mobiliser le marketing pour améliorer le monde, en promouvant des modèles de consommation et de production plus soutenables et éthiques.

Le marketing implicatif vise à réconcilier les entreprises avec leurs clients et le public en général, dans un contexte où la confiance dans les marques et les entreprises est à un niveau historiquement bas. Le constat est sans appel : après un siècle de marketing, la moitié des Français déclare ne pas faire confiance aux marques. Cela souligne l'échec des pratiques marketing traditionnelles à construire des relations de confiance durables, malgré une consommation toujours croissante.

Pour naviguer dans ces paradoxes, je suis convaincue que nous pouvons adopter une approche différente, plus pédagogique et réfléchie, qui ne se limite pas à questionner le marketing mais interroge les modèles économiques dans leur ensemble. Dans mon livre, après une critique nécessaire du marketing traditionnel, je propose des alternatives en utilisant des concepts marketing classiques pour adopter une perspective différente. Par exemple, le concept de marque peut être un vecteur puissant pour transmettre des valeurs positives, à condition de construire des contrats de marque cohérents offrant à la fois satisfaction transactionnelle et émotionnelle au consommateur.

Je me suis également interrogée sur des modèles théoriques comme la pyramide de Maslow, en soulignant que les motivations des consommateurs ont évolué depuis sa création en 1943. Aujourd'hui, face à la finitude des ressources et à l'interconnexion globale de nos sociétés, il est impératif de repenser nos besoins et nos aspirations, y compris ceux considérés comme fondamentaux, qui ne sont plus assurés même dans les sociétés occidentales développées. Le marketing implicatif propose donc une réflexion profonde sur notre manière de consommer, de vivre ensemble et d'interagir avec notre planète.


Toi aujourd'hui comment est-ce que tu vois avec le prisme du marketing implicatif comment est-ce que une entreprise peut vraiment opérer une sa transformation notamment de ces offres vers des offres qui soient plus durables et plus responsables?

Pour envisager une transformation vers des offres plus durables et responsables à travers le prisme du marketing implicatif, les entreprises doivent procéder à une réévaluation complète de leur modèle d'affaires et de leur chaîne de valeur. Cela commence par une analyse approfondie des ressources utilisées, de l'impact environnemental et social de leur production, et s'étend jusqu'à la gestion des déchets générés par les produits consommés. Avec la responsabilité élargie du producteur (REP) devenue légale, les entreprises sont désormais tenues de s'interroger sur ces aspects de manière législative.

L'approche du marketing implicatif recommande de dépasser les structures organisationnelles traditionnelles, souvent cloisonnées, pour adopter une vision plus intégrée et collaborative. Il est essentiel de "désilotiser" l'organisation pour permettre une gestion cohérente et globale des impacts environnementaux et sociaux. Cela implique une coopération étroite non seulement avec les fournisseurs et les partenaires de la filière mais aussi avec les employés et les consommateurs. Un tel modèle favorise une responsabilité partagée et un engagement commun envers des objectifs de durabilité.

Dans ce contexte, le marketing implicatif joue un rôle central en favorisant la transversalité et le collectif. Il s'agit d'une démarche où l'entreprise n'opère pas en isolation mais interagit activement avec tous les acteurs de son écosystème, y compris ceux qui gèrent les déchets post-consommation. Cette collaboration à tous les niveaux est cruciale pour réaliser des progrès significatifs et durables.

En somme, le passage à des offres plus durables et responsables exige une transformation profonde qui va au-delà du marketing pour toucher l'ensemble de l'organisation et de ses pratiques. Il s'agit d'un changement de paradigme où la responsabilité, la coopération et l'engagement collectif deviennent les principes directeurs de l'activité économique.


Comment envisages-tu de dépasser la logique d'hypercompétitivité qui a donné naissance au marketing, face à un environnement où prévaut souvent une lutte acharnée pour réduire les coûts et accélérer les processus ? Personnellement, en tant que freelance spécialisé en marketing digital et responsable, je ne perçois pas les autres acteurs de mon domaine comme des concurrents directs, malgré mon tempérament très compétitif.

L'approche collaborative, remplaçant la logique d'ultra-concurrence par une vision de coopération, est cruciale pour naviguer dans les défis contemporains du marketing et de la durabilité. Dans des secteurs comme la mode, traditionnellement marqués par une forte compétitivité, nous observons une transformation vers une dynamique de collaboration. Des entreprises historiquement concurrentes s'unissent pour faire face à des enjeux communs tels que la gestion des ressources, la réduction des déchets et la réindustrialisation. Cette coopération sectorielle, devenue nécessaire pour surmonter les défis liés à la durabilité, génère non seulement des avancées significatives sur le plan écologique mais aussi un regain de sens et de fierté pour les collaborateurs impliqués.

Cependant, cette transformation n'est pas sans difficultés. Elle requiert de repenser les méthodes de travail, d'adopter de nouvelles pratiques plus responsables et souvent de former les équipes à ces nouvelles approches. La prise de conscience des raisons profondes motivant ces changements est essentielle pour mobiliser et engager les collaborateurs dans cette transition.

Néanmoins, cette tendance à la coopération ne nous exonère pas de rester vigilants face à la concurrence mondiale, souvent moins scrupuleuse en matière de responsabilité sociale et environnementale. Des marques s'efforçant d'améliorer leurs pratiques se retrouvent confrontées à des concurrents proposant des produits à bas coût, sans considération pour les impacts sociaux ou environnementaux de leur production.

Cette nouvelle ère de collaboration plutôt que de concurrence offre une perspective optimiste pour l'avenir du marketing et de la consommation, soulignant l'importance d'une action collective pour relever les défis de notre temps. La capacité à travailler ensemble, même entre anciens rivaux, est une étape cruciale vers un avenir plus durable et éthique dans le monde des affaires.


Moi j'essaie dans mon coin de faire des choses bien, de mettre en place un marketing responsable, éthique et du coup ça implique aussi des choix et des renoncements à des stratégies qui sont peut-être, plus efficaces, plus rapides et cetera… Et justement face à ces situations, toi ça serait quoi ta réponse à cette inquiétude ?

Face à ces préoccupations légitimes, la lutte semble inégale face à des géants qui dominent le marché avec des pratiques peu équitables. Cela souligne l'urgence de promouvoir une consommation durable, en opposition aux pratiques de firmes comme Shein, qui favorisent la surconsommation par des coûts réduits. Ces enjeux dépassent le cadre de l'entreprise pour toucher à des choix sociétaux plus larges, nécessitant des actions politiques, notamment avec l'émergence de lois visant à restreindre certaines formes de publicité. Il est vital de croire en l'impact à moyen terme pour résister à cette tendance au court-termisme. Cela implique une sensibilisation accrue et une éducation à la responsabilité, pas seulement au sein des entreprises mais aussi auprès du grand public. Des initiatives comme l'interdiction de jeter les vêtements non désirés montrent qu'il est possible de réagir. Il s'agit d'adopter une vision globale, reconnaissant que le marketing, au sein d'un contexte sociétal plus vaste, doit promouvoir des changements bénéfiques à tous les niveaux.


Cette conversation me rappelle une étude partagée par Vincent Balusseau, mon ancien professeur à Audencia. Cette recherche suggère que les consommateurs de Shein sont plus enclins que la moyenne à affirmer leur volonté d'acheter de manière responsable. Par exemple, 67% des clients de Shein déclarent être prêts à payer plus pour des produits responsables, contre 53% pour la moyenne des consommateurs. Qu’en penses-tu ?

Nos discussions touchent profondément à la nature humaine, oscillant entre des paradoxes captivants et des incohérences troublantes. Ces contradictions, multipliées par des millions, ont le pouvoir à la fois de créer des merveilles et de provoquer des catastrophes. Cela souligne l'importance cruciale de ne jamais cesser d'informer, même si l'information seule peut s'avérer insuffisante. Ces derniers mois, nous avons été témoins de l'émergence d'un sujet majeur : la nécessité de revisiter nos imaginaires et d'adopter de nouveaux récits.

Nous vivons un moment singulier, marqué par la fin d'une ère de surabondance presque orgiaque, illustrée de manière frappante par les influenceurs déballant leurs achats. Cette période invite à une introspection collective sur ce qui nous satisfait véritablement. À cet égard, l'initiative "Slow Fashion Training" que nous avons développée vise à encourager une réflexion critique sur notre consommation de mode. Nous encourageons les participants à s'interroger sur les réelles sources de leur satisfaction : est-ce l'acte d'achat en lui-même, le frisson de la dépense, ou la possession temporaire de nouveautés ?

Cette introspection révèle souvent une satisfaction éphémère, suivie d'une inévitable culpabilité. L'objectif est donc de déconstruire ces comportements addictifs pour découvrir ce qui nous pousse à consommer de cette manière. L'expérience menée avec mes étudiants sur l'évolution des imaginaires de consommation dans le secteur automobile, par exemple, a mis en lumière un changement notable des représentations associées à l'automobile, passant d'un symbole de puissance masculine à un objet du quotidien, envisagé sous l'angle de son utilité.

Cela démontre qu'il est possible de transformer nos imaginaires. Les exemples sont nombreux : l'évolution de la perception sociale du tabagisme est un témoignage puissant de notre capacité à redéfinir collectivement nos normes et valeurs. Ce travail sur les imaginaires est essentiel et, bien que le défi semble insurmontable, il existe des preuves concrètes que le changement est à notre portée.

Un article récent d'Usbek & Rica suggère même que nous pourrions assister à un retour à une garde-robe "pour la vie", marquée par la réparation et un choix plus réfléchi et durable de nos vêtements. Cette perspective, qui remet en question notre rapport à la consommation et au temps, pourrait ouvrir la voie à une relation plus apaisée et satisfaisante avec les objets qui nous entourent. En fin de compte, il s'agit de réimaginer notre façon de vivre, de consommer et de trouver du plaisir dans un monde en constante évolution.


Est-ce que tu vois d'autres défis ou obstacles à l'adoption d'un marketing plus responsable, plus implicatif aujourd'hui

Un défi majeur à l'adoption d'un marketing plus responsable réside dans la complexité de la gestion du prix. La difficulté de se nourrir quotidiennement touche une partie de la population, tandis que pour d'autres, le prix bas reste une quête, indépendamment de leurs moyens. Il s'agit donc de mieux répartir l'effort selon les capacités individuelles, soulevant des questions à la fois sociales et philosophiques, car la consommation et l'alimentation sont au cœur de notre vie quotidienne.

Aujourd'hui, nous consacrons une part moins importante de notre budget à l'alimentation qu'auparavant, signe d'une société qui se développe. Cela nous amène à repenser nos priorités budgétaires et à questionner la valeur réelle des produits que nous achetons. Le défi ne réside pas tant dans le prix à payer, mais dans le coût réel de production, qui inclut le travail et les efforts déployés pour créer un produit. Repenser la chaîne de valeur dans son ensemble peut nous aider à comprendre mieux où va notre argent lors de la consommation.

Aborder ces questions dès l'éducation primaire pourrait favoriser une meilleure compréhension économique dès le plus jeune âge. Expliquer aux enfants le coût d'une baguette de pain et la répartition de ce coût entre les différents acteurs permettrait de sensibiliser dès l'enfance à la justice économique et à la répartition équitable des ressources.

La question du prix bas est particulièrement problématique. Lorsqu'un produit est vendu à un prix dérisoire, il est essentiel de prendre conscience des compromis faits en termes de qualité et des conditions de fabrication. Cela soulève la nécessité d'une prise de conscience collective sur la destination finale de notre argent et sur l'équité de cette répartition. Acheter un jean à dix euros en France devrait nous amener à réfléchir sur les conditions de sa production et sur la répartition du coût entre la fabrication, le transport, et la marge du vendeur. Cette prise de conscience est cruciale pour orienter nos choix de consommation vers plus de responsabilité et d'éthique.


Florence, si je te dis Slow Marketing tu penses à quoi?

Je pense à l'avenir, à mes étudiants, et à tous ceux qui, je l'espère, feront mieux que nous. C'est inspirant et encourageant de voir que les écoles, y compris la mienne, adoptent des approches différentes dans l'enseignement du marketing et des affaires en général. Dans le domaine de la communication, nous travaillons particulièrement sur la création de nouveaux récits et imaginaires, et sur la déconstruction des modèles actuels de consommation. C'est un travail passionnant et plein de promesses pour l'avenir.


Florence, en tant que personne directement en contact avec la future génération de professionnels, si tu devais recommander une seule action que tous, aujourd'hui et demain, pourraient entreprendre pour avoir un impact positif sur nos sociétés, laquelle serait-ce ?

Je leur suggérerais de former un comité de réflexion qui inclurait diverses parties prenantes : un collaborateur, un fournisseur, un résident local, un client, un défenseur de l'environnement, un représentant social, ainsi qu'un membre de la direction de l'entreprise. L'idée serait de rassembler au moins un représentant de chacun de ces groupes pour réfléchir régulièrement aux raisons de nos actions et à la manière dont l'existence de l'entreprise contribue positivement à la société.



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