Cet article est le transcript et les ressources de l'épisode 49 du podcast Slow Marketing. 🎧 Voici le lien pour écouter l'épisode ! 📮Abonne-toi à la Newsletter pour ne rien louper des prochains épisodes !
"Transparence, humilité, nuance : ce sont les trois clés pour éviter le greenwashing et bâtir une communication responsable." - Maxime Van der Meerschen
Dans cet épisode de Slow Marketing, j’accueille Maxime Van der Meerschen, cofondateur de GiveActions et expert en marketing responsable. Ensemble, nous plongeons dans les enjeux du greenwashing, une problématique cruciale pour les marques qui souhaitent communiquer sur leurs initiatives écologiques tout en restant transparentes et authentiques.
Ce que tu vas découvrir dans cet épisode :
Comment différencier une démarche sincère d’un cas de greenwashing ?
Quels sont les types de greenwashing les plus fréquents, et comment les éviter ?
Pourquoi les expressions comme « durable » ou « neutre en carbone » sont à manipuler avec précaution ?
Quelles sont les règles légales et déontologiques à connaître en Belgique, en France et en Europe ?
Comment intégrer la transparence et l'humilité dans ta stratégie de communication ?
Un épisode essentiel pour toutes les personnes qui souhaitent aligner leur marketing avec les enjeux environnementaux d’aujourd’hui.
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Le transcript
Merci à mon partenaire Scrybecast qui m'aide à générer des transcripts de qualité !
Aujourd'hui, nous explorons le greenwashing, un sujet brûlant pour les marques qui souhaitent communiquer sur leurs initiatives écologiques sans induire en erreur. Pour en parler, je reçois Maxime Van der Meerschen, cofondateur de GiveActions, qui a récemment publié une étude approfondie sur l'état du greenwashing en Belgique.
Le parcours de Maxime Van der Meerschen
Peux-tu te présenter et nous parler de ton parcours ?
Oui, salut Anaïs et bonjour à toutes et tous. Je suis ravi d’être ici sur ce podcast. Et donc, pour me présenter succinctement, je m’appelle Maxime Van der Meerschen, je suis le cofondateur de GiveActions. J’ai fait des études d’ingénieur commercial à l’ULB à Solvay, en Belgique.
Puis j’ai eu une petite aventure chez AB InBev, le géant multinational de la bière (Jupiler, Leffe, Stella Artois, etc.). C’était super intéressant, surtout que j’y étais pendant la Coupe du Monde 2018, une période où ils sponsorisaient les Diables Rouges en Belgique. C’était sympa comme ambiance.
Cependant, je me suis rendu compte que ce que je recherchais au quotidien, c’était un minimum d’impact positif dans mon travail. C’est pour ça qu’on a lancé GiveActions, avec deux autres personnes : Elias et Gaspard, qui est un de mes meilleurs potes et aussi mon cousin.
Au départ, on avait une application qui permettait de soutenir des associations grâce à la publicité. Puis on a pivoté vers un modèle d’agence marketing pour des acteurs engagés. Aujourd’hui, on aide des associations comme la Croix-Rouge, le WWF, ou des coopératives et petites marques engagées à faire de la publicité en ligne. Nous collaborons également avec des grands médias belges comme JCDecaux, RTBF, ou TF1, et nous avons acquis une certaine expertise sur le greenwashing, ce qui nous a conduits à réaliser cette étude.
L’étude Greenlight : origine et méthodologie
Comment s’est fait le partenariat avec JCDecaux et RMB pour l’étude Greenlight ?
En gros, on est en contact avec JCDecaux et RMB (la régie publicitaire de la RTBF, entre autres) depuis quelques années. Nous négocions avec eux pour obtenir de meilleurs prix pour des acteurs engagés sur leurs médias.
En parallèle, on s’est beaucoup posé de questions sur l’impact de la publicité et sur la manière dont elle doit évoluer pour être compatible avec les transitions écologiques. Cela inclut tout ce qui touche à la communication et au greenwashing. On s’est pas mal formés là-dessus. À titre personnel, j’ai même une casquette d’activiste, avec quelques plaintes déposées. Cela m’a permis d’acquérir une certaine expertise sur le sujet.
Résultat, on s’est dit : « Pourquoi ne pas développer un outil de détection automatique du greenwashing ? » L’idée était de pouvoir analyser n’importe quel support de communication pour identifier les risques de greenwashing. Nous en avons discuté avec RMB, qui a proposé d’analyser leurs publicités. C’était une bonne opportunité.
Ensuite, j’ai contacté JCDecaux, et on a décidé de collaborer ensemble pour rendre l’étude plus globale, en intégrant des analyses d’affichage, de radio et de télé au niveau belge. C’était génial de voir ces deux acteurs, pourtant concurrents, accepter de travailler ensemble sur ce projet. Cela a permis d’obtenir des résultats plus solides et de bénéficier d’un bon écho médiatique.
Peux-tu expliquer comment fonctionne votre outil de détection du greenwashing ?
Notre outil fonctionne en deux étapes.
Décoder la publicité : on analyse le texte, la voix, les images et les sons, peu importe le support (image, vidéo, audio), pour tout retranscrire en texte.
Appliquer un algorithme de décision : cet algorithme repose sur des règles déontologiques et légales, comme celles de la Chambre de commerce internationale ou des jurys d’éthique publicitaire. Ces règles couvrent différents aspects, par exemple la neutralité carbone, les allégations génériques, les logos, ou encore les visuels.
Pour l’étude, nous avons analysé 13 000 publicités. Nous les avons classées en trois niveaux de risque :
Vert : conforme.
Orange : un risque est présent, mais sujet à interprétation.
Rouge : risque élevé, nécessitant une attention immédiate.
Les règles et la législation autour du greenwashing
Quelle est la situation actuelle de la législation sur le greenwashing en Belgique, en France et en Europe ?
En Belgique, c’est principalement de la déontologie publicitaire. Cela signifie que le secteur s’est imposé des règles pour essayer d’avoir une publicité la plus éthique et la moins trompeuse possible. Ces règles sont volontaires, mais peu de personnes dans le secteur les connaissent ou les appliquent vraiment.
Si quelqu’un repère une publicité qui semble ne pas respecter ces règles, il ou elle peut déposer une plainte auprès du jury d’éthique publicitaire. Si ce jury juge que la publicité est en infraction, il demande à la marque de modifier ou de retirer son message. Mais cela s’arrête là, sans sanction financière.
En France, la situation est un peu plus avancée avec la loi Climat et Résilience, qui introduit des obligations supplémentaires. Par exemple, elle interdit les allégations environnementales génériques comme « écoresponsable » ou « durable », sauf si elles sont accompagnées de preuves.
Au niveau européen, la directive Empowering Consumers for the Green Transition, adoptée en 2024, devra être transposée dans les lois nationales d’ici 2026-2027. Elle contient trois grands axes :
Interdiction des allégations environnementales génériques sans nuances ni informations supplémentaires.
Restrictions sur l’utilisation du terme neutralité carbone, sauf si elle est prouvée et expliquée.
Encadrement strict des labels pour éviter les certifications non vérifiées ou auto-attribuées.
Quels risques encourent les entreprises prises en faute ?
Pour l’instant, en Belgique, les risques sont minimes. Si une publicité est signalée, l’entreprise peut recevoir un coup de « bad buzz » et être contrainte de modifier son message.
Cependant, avec la directive européenne, les choses vont évoluer. Les sanctions pourraient atteindre 4 % du chiffre d’affaires, même si ce seuil paraît élevé pour l’instant. Aux Pays-Bas, par exemple, Decathlon et H&M ont récemment été condamnés à payer respectivement 400 000 € et 500 000 € pour des cas de greenwashing sur leurs fiches produits.
Mais au-delà des sanctions, l’idée est de promouvoir une communication plus responsable, fondée sur la transparence et l’authenticité. Cela permet aux marques de se différencier de manière positive tout en renforçant leur crédibilité auprès des consommateurs et consommatrices.
Les résultats clés de l’étude Greenlight
Quels sont les résultats principaux de votre étude ?
Nous avons analysé 13 000 publicités, et voici ce que nous avons trouvé :
9 % des publicités incluent une allégation environnementale.
Parmi elles, 40 % présentent au moins un risque de greenwashing :
31 % sont à risque modéré (orange), souvent à cause d’un manque de nuance ou de proportionnalité.
8,6 % sont à haut risque (rouge), en raison d’allégations génériques ou de mentions de neutralité carbone.
Ces chiffres montrent que, dès qu’une publicité traite d’environnement, il y a deux chances sur cinq qu’elle manque de clarté ou de précision. Cela souligne la nécessité d’un meilleur accompagnement pour éviter les erreurs.
Avez-vous observé des différences entre les secteurs ou les canaux publicitaires ?
Certaines tendances se dégagent :
Les secteurs bancaire et de la construction font plus d’erreurs. Par exemple, dans le secteur bancaire, toutes les publicités environnementales analysées présentaient un risque modéré ou élevé.
L’affichage s’en sort mieux que la radio et la télévision, probablement parce que les visuels doivent être concis et précis. En revanche, les allégations génériques sont plus courantes en radio et TV, où il est plus difficile d’ajouter des nuances ou des explications détaillées.
Identifier et éviter les pièges du greenwashing
Quels types de greenwashing observez-vous le plus fréquemment ?
Nous avons identifié plusieurs catégories récurrentes :
Les allégations environnementales génériques
Ce sont des phrases vagues comme « durable », « écoresponsable » ou « bon pour la planète », sans preuves concrètes. C’est la catégorie la plus fréquente, notamment dans les publicités TV et radio.
La neutralité carbone
Bien que moins courante dans les publicités, cette mention reste problématique. Elle repose souvent sur des calculs comptables de compensation carbone, mais omet l’impact réel des produits ou services.
Le manque de proportionnalité
Il s’agit d’un déséquilibre entre les avantages écologiques revendiqués et la réalité. Par exemple, déclarer qu’un produit contribue à un avenir durable alors que son impact environnemental reste limité.
Le manque de clarté ou de preuves
Certaines publicités avancent des chiffres ou des labels sans fournir d’explications ou de sources vérifiables. Par exemple : « ce produit consomme 30 % d’énergie en moins », mais sans indiquer par rapport à quoi.
Les labels non certifiés ou trompeurs
Certains visuels imitent des certifications officielles sans en être. Par exemple, un cercle vert avec « 90 % d’origine naturelle » peut être confondu avec un label écologique, mais il n’est pas validé par une autorité indépendante.
Quelles sont les erreurs les plus flagrantes que vous avez observées ?
Les erreurs les plus marquantes incluent :
Effet de halo : mettre en avant un petit effort écologique pour occulter des impacts négatifs. Par exemple, une entreprise de fast-food communique sur l’usage de vaisselle réutilisable alors que cela résulte simplement d’une obligation légale.
Normalisation de comportements contraires au développement durable : par exemple, une publicité incitant à prendre l’avion tous les week-ends ou à privilégier le scooter en dénigrant les transports en commun.
Usurpation de contextes : faire croire qu’une initiative est propre à l’entreprise alors qu’il s’agit d’une réglementation applicable à tous.
Conseils pratiques pour un marketing responsable
Quels conseils donnerais-tu aux responsables marketing pour éviter le greenwashing ?
Je résumerais cela en trois mots : transparence, humilité et nuance.
Transparence : soyez honnêtes sur ce que vous faites bien, mais aussi sur ce que vous pouvez encore améliorer. Par exemple, mettez en avant les efforts réalisés, mais sans exagérer.
Humilité : évitez les allégations trop ambitieuses comme « notre produit sauve la planète ». Admettez que personne n’est parfait et que vous êtes dans une démarche d’amélioration continue.
Nuance : utilisez des formulations précises et mesurées. Préférez « nous contribuons à réduire notre empreinte carbone » à « notre produit est neutre en carbone ».
Enfin, bannissez les allégations génériques et préférez des données concrètes et vérifiables. Si vous mentionnez une réduction d’impact environnemental, indiquez clairement les sources et les comparaisons.
Quelles sont les clés pour changer les pratiques marketing ?
Changer les pratiques marketing nécessite un véritable changement de paradigme. Le marketing traditionnel repose sur la surenchère et l’exagération, mais ce modèle n’est plus adapté au développement durable.
L’objectif est de développer des messages qui inspirent confiance, en valorisant une démarche authentique et transparente. Cela demande de réévaluer la manière dont on communique, mais aussi d’accepter que la perfection n’existe pas dans ce domaine.
Vers un marketing plus responsable
Quels exemples d’entreprises inspirantes recommandes-tu ?
Plusieurs entreprises se démarquent par leur transparence et leur humilité dans leur communication :
Brussels Beer Project
Cette marque belge de bière a une page dédiée à ses engagements où elle admet que son aventure est imparfaite. Elle détaille ses efforts et ses limites, par exemple en partageant son bilan carbone. Ils ne prétendent pas être « bons pour la planète », mais mettent en avant une démarche d’amélioration continue, sans exagération.
Coldplay
Le groupe a travaillé pour réduire l’impact environnemental de sa tournée. Sur leur site, ils expliquent leurs démarches avec honnêteté, sans prétendre que leurs concerts sont neutres en carbone. Ils soulignent les limites de leur action et indiquent les efforts nécessaires pour aller plus loin. Cela reflète une communication responsable, même si certains partenaires, comme DHL, ont parfois amplifié les messages de manière excessive.
Ces exemples montrent qu’il est possible d’être transparent et authentique tout en s’engageant pour des pratiques plus responsables.
Si je te dis slow marketing, à quoi penses-tu ?
Pour moi, le slow marketing, c’est comme le slow travel : prendre le temps de faire les choses correctement, sans courir après toujours plus. Cela implique de considérer les externalités, qu’elles soient sociales ou environnementales, et de viser une relation plus qualitative avec les client·es.
Cela passe par des pratiques respectueuses, comme réduire le retargeting, limiter les impacts environnementaux des activités marketing, et prioriser des messages ciblés et pertinents plutôt qu’une approche de masse. En résumé, le slow marketing, c’est l’opposé du marketing traditionnel basé sur la quantité et l’exagération.
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